Matières à voir, à penser, à écouter

Je partage ici avec vous différentes sortes de matières prêtes à texturer…
« Texturer » signifie lier les différentes parties d’un tout. En vous appropriant ces matières vous aurez je l’espère l’occasion de tisser des liens avec ce que vous vivez, ce qui est déjà en vous, pour vous emmener encore un peu plus loin, comme un ricochet. N’hésitez pas à partager vos réactions en commentaires, ils serviront certainement à d’autres.

« Tous les désirs sont légitimes, mais tous ne sont pas réalisables »

Françoise Dolto, au sujet des enfants.

L’écoute et l’accueil des désirs de l’enfant constituent l’un des piliers indispensables à l’émergence d’une pensée personnelle et a fortiori critique de l’enfant. Ce-dernier fait ainsi l’expérience de sa liberté et de son droit de désirer. De ce désir, nait une demande souvent adressée aux parents: « Papa, tu peux me donner un bonbon qui est dans le placard en haut là? »

Pour les parents, la différence est grande entre:

  • accepter le désir d’une part (l’enfant a envie d’un bonbon),
  • accepter que la demande de l’enfant existe d’autre part (l’enfant fait une demande à son père pour satisfaire son désir),
  • et accéder à la demande faite (pour le père : choisir de donner un bonbon ou pas)

Exemple :

– « Papa, tu peux me donner un bonbon qui est dans le placard en haut là ?»

– « Tu m’énerves à la fin, je t’ai déjà dit non! »

# frustration, # injustice, # colère, # incompréhension

Dans cette situation, le désir et la demande sont rejetées en bloc, la réponse est négative. Voyons comment cela pourrait se passer différemment :

– « Papa, tu peux me donner un bonbon qui est dans le placard en haut là ?»

– « Tu as le droit d’avoir envie de manger un bonbon et de me les demander. Et moi je peux te répondre Non parce que ce sucre abime tes dents et n’est pas bon pour ta santé. »

Ici le désir et la demande sont acceptés,  pour autant la limite est posée.

« Tous les désirs sont légitimes, mais tous ne sont pas réalisables »
Comment cette phrase fait écho dans vos propres expériences?

Il serait dommage de considérer cette citation de Françoise Dolto ne soit utile qu’aux parents, ou personnes concernées par des relations d’éducation. Ce serait se priver d’une prise de recul très intéressante sur la façon dont nous sommes en relation aux autres, en famille mais aussi au travail (avec nos équipes, nos clients..).

Par exemple, la question de la légitimation des désirs ou envies est un enjeu fort dans les métiers et projets qui intègrent une dimension participative par de la concertation avec de futurs utilisateurs, ou des habitants.

C’est le cas du métier de programmiste, dont l’un des rôles est d’entendre, écouter, et considérer les besoins des futurs usagers dans la définition d’une opération de bâtiment. Sa position de neutralité et de détachement par rapport au passif et contexte humain du projet rend possible l’accueil et l’acceptation des demandes des usagers. Il est le garant de la méthode de programmation, qui prévoit bien que la phase de collecte des besoins soit suivie d’une phase faisabilité opérationnelle. Cette phase est celle qui permet d’évaluer si les désirs/demandes sont réalisables au regard de critères objectifs et factuels : prix, consistance des travaux, accessibilité, réglementation, etc.

Une fois la décision prise, c’est en partie grâce à l’explicitation de la logique de prise de décision, en toute transparence, que les usagers comprennent et acceptent plus facilement les choix faits.  On évite ainsi la sensation d’injustice ou d’indifférence, voire le refus de certains changements.

Voici en résumé le processus mis en œuvre :

Ecoute ⇒ accueil du désir et de la demande ⇒ enquête : quel est le besoin à qui génère cette demande ? ⇒ prise de décision en fonction des critères valables ⇒ réponse explicitée

Ce processus se retrouve très souvent dans nos quotidiens, de manière plus ou moins consciente.

D’où l’intérêt de se poser les bonnes questions :
  • Qu’est ce qui compte particulièrement pour moi/pour l’entreprise/pour le projet ? 
  • Sur quels critères je me base pour évaluer les situations et faire des choix ? 
  • Certains critères d’évaluation comptent-ils plus que d’autres ? et si oui qui est légitime pour décider de leur pondération et choisir d’accéder ou non à la demande?
  • Qui porte la responsabilité de ces choix ?
Accepter que les désirs ont le droit d’exister, accepter que la réalité complexe des situations ne permet pas d’y répondre, et enfin accepter que la décision relève de paramètres sur lesquels nous n’avons pas le contrôle, en voilà un beau programme pour avancer sur le chemin de la résilience et de l’adaptation aux changements.

 

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